Création Novembre 2016
« Peu importe que la source d’inspiration de la musique populaire américaine vienne des mélodies nègres, des chants créoles, de la mélopée de l’Indien ou des plaintives chansonnettes de l’Allemand ou du Norvégien nostalgiques. Les germes de ce que la musique peut offrir de meilleur se cachent parmi tous les peuples qui composent ce grand pays. »
Harper’s Magazine, février 1895
Comme le souligne dans cet article le compositeur tchèque Antonin Dvorak, alors directeur du Conservatoire de New York, l’Amérique est une terre de métissage musical. Les liens musicaux entre,l’Europe et l’Amérique sont très étroits en raison de la colonisation déjà relativement ancienne de cette partie du monde et de l’arrivée de migrants européens toujours plus nombreux qui apportent avec eux leurs traditions musicales. Dans le domaine de la musique savante, le modèle européen sera tout puissant jusqu’à la fin du XIXème siècle, mais la musique populaire des Noirs ou des Indiens nourrit déjà l’imaginaire des compositeurs nord-américains.
A cette époque en Europe, les Etats-Unis sont considérés comme une terre vierge mais prometteuse pour la vie musicale future, et l’énergie de ses habitants, leur enthousiasme et leur ingéniosité technique font l’admiration d’une Europe elle aussi en plein développement. Mais le pays
manque de conservatoires, seules quelques très grandes villes comme New York ou Boston ont un orchestre, et aucune politique publique générale ne vient donner soutien et cohérence à son essor musical.
Les solistes qui s’y produisent sont donc essentiellement européens, comme le violoniste Henri Vieuxtemps qui y fait une tournée dans les années 1840. Il composera à cette occasion une suite de variations virtuoses sur un thème emblématique aux Etats-Unis, Yankee Doodle, qui rencontrera un immense succès.
Avec Dvorak, on assiste à un véritable intérêt des Européens pour l’Amérique, ses habitants et ses possibilités de développement musical. Il y restera trois ans pour diriger le Conservatoire de New York, y enseigner, et diriger ses compositions (dont sa célèbre 9ème Symphonie Du nouveau monde ,commande de l’Orchestre Philharmonique de New York). Dvorak est très attentif aux musiques populaires locales (afro-américaines, indiennes, ou encore celle des colons), dont il va utiliser
certaines mélodies dans son Quatuor américain, écrit en 1893.
Le compositeur et pédagogue new-yorkais Rubin Goldmark est une figure particulièrement intéressante, au croisement des cultures européenne et américaine. Il a étudié à Vienne puis à New York avec Dvorak, et l’on sent bien sûr l’influence européenne sur son travail, mais ses sources d’inspiration sont intimement liées à la culture et aux paysages nord- américains, comme en témoignent les sujets et les titres qu’il choisit : The call of the plains, Hiawatha… On sent dans ses
œuvres le souffle de l’Amérique des grands espaces, et une certaine simplicité mêlée à un très grand enthousiasme. Goldmark va contribuer à y développer une vie musicale digne d’un grand pays en
formant – que ce soit au Colorado ou à la toute récente Juilliard School de New York – de très nombreux musiciens et compositeurs, dont les plus célèbres sont certainement George Gershwin et Aaron Copland, qui contribueront de manière décisive à l’évolution et à l’émancipation de cette musique.
La musique de Gershwin s’est nourrie des influences les plus diverses, à la fois savantes et populaires, qui lui donnent son aspect inimitable et proprement américain. Vendeur et interprète au piano de chansons populaires à New York pour le compte d’un grand éditeur dans sa jeunesse, il fréquente toujours plus le milieu de la comédie musicale et commence à écrire ses propres chansons qui connaissent rapidement un véritable succès. Grand amateur de jazz et d’improvisation, il admire
aussi la musique moderne savante, française notamment (avec Debussy, Ravel, Milhaud…), et éprouve le besoin de se perfectionner dans le domaine des techniques de composition classiques (orchestration, harmonie…), qui lui permettront d’enrichir son écriture et de composer des œuvres de plus grande envergure comme son célèbre opéra Porgy and Bess. Gershwin a fait rayonner et aimer
une musique américaine singulière et riche de ses multiples origines, qui continue encore de nos jours à inspirer de très nombreux artistes.
L’Amérique du Sud a elle aussi été une terre de métissage et de création musicale, et le tango en est l’un des emblèmes les plus connus. Apparu à la fin du XIXème siècle sur les rives du Rio de la Plata qui sépare l’Argentine et l’Uruguay, il mélange des éléments rythmiques africains avec des
mélodies aux accents européens. Danse des bas-fonds à l’origine, teintée de la nostalgie des immigrés déracinés arrivés en masse en ce début de XXème siècle, elle va se répandre finalement dans toute la société et évoluer pour devenir une danse de salon. Le chanteur Carlos Gardel, figure tutélaire du tango argentin, va ajouter des paroles à cette danse. Il participera, en plus de ses tournées dans le
monde entier, à de nombreux films (dont Scent of a woman, dans lequel il chante l’une de ses compositions les plus célèbres, Por una cabeza qui contribueront à assurer au tango une popularité
toujours plus grande et une postérité particulièrement riche en créations.
Programme musical :
Henri VIEUXTEMPS (1820 – 1881) : Souvenir d’Amérique (variations sur Yankee Doodle), op. 17
Antonin DVORAK (1841 – 1904) : Quatuor à cordes n°12 en fa majeur, « Américain », op. 96
Rubin GOLDMARK (1872 – 1936) : The Call of the Plains et Witches’ Sabbath
George GERSHWIN (1898 – 1937) : It ain’t necessarly so, Summertime, tirés de Porgy and Bess, Do it again
Carlos GARDEL (1892 – 1935) : Tangos Volver et Por una cabeza
(6 musiciens : 3 violons, alto, violoncelle, contrebasse)