Programme musical

  • Richard WAGNER (1813 – 1883) : Prélude de Tristan et Isolde
  • Jean SIBELIUS (1865 – 1957) : Andante festivo
  • Frank BRIDGE (1879 – 1941) : Lament
  • Claude DEBUSSY (1862 – 1918) : La fille aux cheveux de lin*
  • Manuel DE FALLA (1876 – 1946) : Nana, tirée des 7 chansons populaires espagnoles*
  • Vittorio MONTI (1868 – 1922) : Czardas*
  • Anton WEBERN (1883 – 1945) : Cinq mouvements pour quatuor à cordes, op. 5
  • Béla BARTÓK (1881 – 1945) : Danses populaires roumaines*

(* transcription : Sébastien Bouveyron)

Le passage du XIXème siècle au XXème siècle est une période particulièrement riche dans l’histoire de l’art en général et de la musique en particulier : c’est une période de transition et de doutes, de tous les possibles. Ce sont quelques décennies pendant lesquelles de nombreux artistes vont faire des choix esthétiques radicaux nés d’une certaine ivresse de création, de nouveauté et d’expérimentation, et où de multitudes courants antagonistes vont s’entrechoquer. Cette période est très liée au développement industriel des Etats. La généralisation des lignes de chemin de fer qui parcourent l’Europe permet un brassage des idées artistiques comme jamais auparavant, brassage dont Vienne, la capitale déclinante politiquement mais culturellement à la tête de l’Europe, est en quelque sorte l’emblème. La photographie pose de nouvelles questions aux peintres (Maurice Denis, l’un des fondateurs du groupe des Nabis était fasciné par cette « nouvelle technologie »). L’architecture se renouvelle profondément grâce à la maîtrise du fer avec Eiffel et aux conceptions du Bauhaus notamment. Et les deux guerres mondiales, particulièrement destructrices et meurtrières en raison des avancées scientifiques et industrielles, achèvent de remettre en cause les anciennes conceptions de l’homme et de l’art. On se trouve véritablement à la croisée de plusieurs mondes.

En musique, on assiste à la fois à une sorte d’apothéose du style tonal, à un feu d’artifice final, mais aussi à sa remise en question. Le développement du chromatisme l’enrichit mais conduit à sa dissolution. Les compositeurs cherchent donc des solutions au problème de l’épuisement expressif du système tonal, qui impliquent des moyens d’expression radicalement différents.

Wagner, déjà, fut le premier compositeur à franchir les frontières de la tonalité dans le prélude de Tristan et Isolde, et ouvrit ainsi de nouvelles perspectives aux artistes qui suivirent. Le travail d’exploration chromatique et structurelle de Wagner va en effet marquer tous les compositeurs de cette époque (qu’ils poursuivent dans cette voie ou qu’ils la critiquent).

Sibelius, dans son Andante festivo, renonce délibérément aux subtilités chromatiques de Wagner qu’il admirait tant, et nous offre une ode à la vie à la fois puissante et pleine de tendresse.

Le Lament de Bridge est un hommage à une jeune victime du naufrage du Lusitania lors de la Première Guerre mondiale : Catherine, 9 ans, comme l’indique le compositeur britannique sur la partition. Il s’agit d’une musique saisissante, d’aspect fragmenté, construite sur de courts motifs, comme si la douleur avait disloqué l’expression

Les compositeurs français comme Debussy ou Ravel vont suivre leur propre voie et inventer des couleurs inouïes pour l’orchestre à travers une intense recherche sur le mélange des timbres des instruments, et vont utiliser les accords du système tonal pour leurs couleurs et non plus pour leur fonction comme c’était le cas auparavant.

Un pas décisif sera franchi par les compositeurs de la Seconde Ecole de Vienne (Schönberg, Berg et Webern) avec leurs premières œuvres atonales, au début du XXème siècle, qui explorent avec enthousiasme les immenses possibilités expressives d’un discours musical nouveau, dont Webern a su tirer toute la force dans ses Cinq mouvements pour quatuor à cordes.

Le folklore sera également une forte source d’inspiration et d’identité pour de nombreux compositeurs de cette époque (comme de Falla par exemple), ou tout simplement l’occasion de célébrer l’expressivité, la liberté et la virtuosité de la musique tzigane avec Vittorio Monti. Bartók se lance de son côté dans de véritables recherches ethnomusicologiques et allie musique savante et populaire pour exprimer la « force naturelle » qu’il a sentie chez les populations paysannes, et dont les Danses populaires roumaines sont un exemple célèbre.